Etsedera

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Au spectacle !

Ceci est un billet que je ne pensais pas pouvoir écrire.

En mars, au fil des annulations de spectacles pour lesquels j’avais des billets et des répétitions pour les projets de danse dans lesquels j’étais impliquée, je m’étais résignée à contre coeur au fait que je n’irais peut-être pas voir d’artistes sur scène (et que je monterais pas moi-même sur un plateau) pour le reste de l’année 2020. Je m’étais dit que c’était nul pour les artistes et mon propre plaisir mais que, s’il le fallait, pour la santé de tou.te.s alors bon…

Mais octobre touche aujourd’hui à sa fin et même si certains des spectacles que j’attendais avec impatience continuent d’être reportés (on croise les doigts pour vraiment se voir l’automne prochain Le Roi Lion et Starmania, hein), j’ai quand même pu goûter ces derniers mois au bonheur de voir des artistes partager leurs univers sur scène, en plein air, dans des galeries d’art, et ça m’a fait un bien fou.

Devant les portraits d’épices de la Cie Moveo et les discours sans mots de la Cie des Yeux d’Elsa à la Co Galerie à Pigalle, j’ai pouffé de rire derrière mon masque et me suis émerveillée de tous les petits bruits d’un spectacle qu’on n’entend que lorsqu’on le voit en chair et en os : les costumes qui se frottent, les respirations qui se coupent, les chuchotements du public, le clic de la musique qui se lance.

J’ai trinqué au retour des spectacles avec des amies rencontrées par hasard au Festival Paris l’été et dansé avec elles sous une pluie violette sur un air de guitare de Prince dans la cour du Lycée Jacques Decour; c’était l’été alors on n’en avait rien à faire d’être trempées.

J’ai été transportée dans un monde fantasque, plein de drôlerie et de fantaisie devant le show du Cabaret de l’Oeil avec Grand Soir, Diamanda Callas et Mascare lors de leur résidence au restaurant CO. J’ai été émue par la performance de ma soeur dans ce même lieu, son tout premier concert entourée de tou.te.s ses ami.e.s.

Je suis retombée en enfance devant le Pinocchio des Dramaticules (et me suis rappelée que toutes ces histoires qui nous ont bercés petit.e.s ont des aspects vraiment effrayants parfois).

J’ai découvert le côté mystique des abords de la MPAA Broussais avec les Invocations des danseurs de Johan Amselem, dont ma mère, que j’avais rarement vue aussi habitée en dansant que lors de cette performance.

Ma mère, je l’ai aussi vue se déhancher à la Briqueterie sur des airs d’Elvis Presley avec Christian Ubl et Seb Martel (on la voit saluer dans la photo qui illustre ce billet). A l’heure où de nombreux amateurs se battent pour trouver des lieux où pratiquer maintenant que, pour plus de 40 millions d’entre nous, nos soirées se passent à la maison, je suis d’autant plus admirative de ces équipes artistiques qui se sont mobilisées pour maintenir ces projets de création, malgré le confinement et les directives sanitaires en changement permanent.

Je remercie donc la MPAA, car mon moment le plus inattendu, ça a bien été de pouvoir danser moi-même, auprès d’une vingtaine d’autres danseurs, sur la scène de la MPAA Saint-Germain pour une présentation (presque publique) de Krump endiablée. Nous n’avions le droit d’inviter que deux personnes chacun. Le feu animait les danseurs sur scène qui ont tout donné pour cette restitution inespérée. Le feu était dans le public, privé de climatisation par la crise sanitaire. Le projet ayant commencé comme une exploration du Sacre du Printemps, entre nous, on s’appelait (et on s’appelle toujours) les Sakrés. Ce jour-là, et toute la semaine de répétition qui a précédé, j’ai eu l’impression de faire partie d’un groupe d’élus.

Ce petit billet n’a pas vraiment d’autre fonction que de dire merci à tous ces artistes. Tous ces moments précieux, je les garde en moi pour remédier aux baisses de motivation, pour garder espoir, pour résister, pour me raccrocher à l’idée que ça ira mieux bientôt.

Alors, voilà, merci.